Devinette

Comment je suis né ?

L'appel du large

Décembre 2022. Besoin de m’isoler. Je pars une semaine en Bretagne. Je loue une maisonnette dans le Morbihan. Dans mon sac, une douzaine de carnets noircis par mes mots déposés en secret depuis les cinq dernières années.

Mon objectif : les relire, sélectionner des textes, trouver le fil rouge, bâtir le sommaire du livre que je voudrais écrire. Mission ambitieuse et stimulante.

Je m’installe donc dans la maisonnette louée, au fond du jardin de mes hôtes. La météo est maussade. L’hiver est bien présent.

En mode cocooning, dans ma cabane, j’ouvre mes carnets et redécouvre les textes écrits dans le jaillissement de mes états d’âme. Je relis, je pleure beaucoup. L’instant est troublant, émotionnellement perturbant. Je revis les souvenirs imprimés sur les pages griffonnées dans la spontanéité de ma sensibilité.  En fait, tout va très vite.

Ce livre, je l’ai rêvé. Il existe déjà dans ma tête. Le fil conducteur s’invite avec fluidité. Je sais la trame que je veux suivre, le chemin que j’ai envie de tracer.

Je procède par ordre. Je note d’abord les titres des textes sélectionnés sur des papiers que je découpe. Je joue avec ces bandes de papier. Je les place, les déplace. Chaque mouvement inspire une thématique qui donne naissance à un chapitre.

Tel un puzzle qui prend forme, je compose, décompose, recompose la partition de ma future création. C’est limpide. Je vois avec clarté le sens que je prendrai.

Comme par enchantement, la trame apparaît, la structure émerge. Je colle les bandelettes raturées sur une feuille blanche et j’assiste avec joie à la naissance de ce qui deviendra mon sommaire.

J’ai réuni mes quatre saisons. J’ai tissé le fil de mon histoire. J’en ai recollé les morceaux.

Entre deux éclaircies, deux pages, deux lignes, je sors marcher sur la plage à quelques mètres de mon refuge. Je respire, je m’inspire. L’air vivifiant gifle mon visage pâle en quête de lumière. Mon esprit vagabonde au rythme de mes pas, lents et prudents.

La plage est déserte à cette période. Un cadeau, une aubaine. Je nourris ma solitude ordinaire. Je profite de cet instant de grâce. Une bouteille à la mer.

Puis, je rentre au logis me réchauffer devant une tasse de thé et des biscuits.

Apaisée, ressourcée, je reprends le voyage. Je me remets à l’ouvrage. Je traverse toutes les couleurs de l’arc-en-ciel tant les émotions sont vives, renversantes, me bousculent. Je passe du rire aux larmes en revisitant mes textes, en redécouvrant les mots de mon intimité. Je suis bouleversée mais j’aime ce rendez-vous avec mon âme, ce temps de créativité, ce tête- à- tête avec ma vérité, celle que j’ai osée poser dans mes chers carnets.

A ce moment-là, je ne sais pas encore si, un jour, quelqu’un les connaitra. Ça n’a pas vraiment d’importance. Ce que je vis dans cette maisonnette est tellement précieux et tout simplement vital. Chaque jour de cette escale en poésie, j’écris, je trie, je lis et je relie. Les heures défilent et je ne les vois pas. J’honore ma présence. Je suis bien. Je suis cette femme au doux rêve d’écriture. Cet être qui écoute le désir de ses mots. Cette enfant qui confiait ses émois à ses cahiers d’écolière solitaire. Je goûte à la puissance de ma présence sans savoir ce que sera demain. Je vis ce que ma main m’autorise à créer, ce que mon cœur consent à délivrer.

Les lettres dansent sur les feuillets. Dans le silence de ma cabane, je laisse fleurir les accords désenchantés d’un temps que je ne maîtrise plus. Les virgules s’alignent, les points trouvent leurs places. Les voyelles rencontrent leurs consonnes.

Chaque mot est à sa place. La main suit le mouvement. Légère, habile, elle sait donner l’impulsion pour éclairer la page. J’ai confiance. La semaine entière, j’ai vécu cette danse.

Satisfaite, repue, détendue, j’ai fermé les carnets, bouclé ma valise et j’ai repris la route, celle du grand retour.  

11 mois plus tard, j’ai reçu un mail d’un éditeur. Ma voix a été entendue. Il me propose d’éditer mon texte. De mes jolis carnets va naître un livre à partager. Vous pourrez le tenir entre vos mains à partir du 30 mai prochain.